1976, 16mm, NB, 21mn | ARTICLES |
Tournage de l'ALLÉE
DES SIGNES en 1976. |
L’Allée des Cygnes à Paris apparaît comme un endroit particulièrement propice à la saisie cinématographique de quelques aspects essentiels du moment historique qui nous contient. L’aménagement du territoire urbain a accumulé là, sur un périmètre restreint une série d’édifices allant chronologiquement de la vieille Tour Eiffel aux immeubles de “l’Avant-Seine” en passant notamment par la Maison de la Radio. Reliés au découpage de façon à montrer l’ensemble cohérent qu’ils forment, ils fonctionneront en tant que signes de la société qui les a produits, leur “société d’émission”, qui est la “société du spectacle”.(cf. Guy Debord ) Si l’on considère maintenant l’Allée des Cygnes en elle-même, longue bande de terre déserte sur la Seine entre les ponts de Bir-Hakeim et de Grenelle, et que l’on sait qu’en 1960 le pont de chemin de fer désaffecté au milieu de l’île avait été choisi comme “emplacement pour une maison à usage situationniste”, le rapprochement entre cet isolement relatif et cette possibilité non réalisée d’entrée dans l’histoire révolutionnaire se fait doublement: c’est aussi cet isolement, un peu moins relatif à l’époque, plus proche de la “non-contamination”, qui a valu à l’Allée d’être choisie. Mais son isolement actuel, cerné de toute parts, provient, outre le fleuve et une étroitesse peu rentable immobilièrement, de l’échec de ce projet de peuplement.Et si ce projet n’avait de sens qu’en association avec un plus vaste projet révolutionnaire - celui-la même qui a échoué historiquement en 1968 - il en est de même pour son échec: l’endroit en son état actuel fonctionne comme signe de ce plus vaste échec face aux signes spectaculaires triomphants. Ainsi le travail du négatif n’a pu opérer un dépassement révolutionnaire, la vieille positivité s’étale avec une emphase tautologique. Le jeu de la dialectique sociale semble s’être enrayé, et son sommeil, tel celui de la raison, engendre des monstres: décadence de la dialectique du devenir (avec comme forme extrême la catatonie) et de la dialectique de la totalité (avec comme forme extrème la dissociation), caractéristiques des tableaux cliniques de la schizophrénie “(cf.Joseph Gabel “La fausse conscience”), se traduisent dans le paysage social notamment par un urbanisme aberrant dont la séparation est le principe organisateur. Ainsi la complémentarité des immeubles de “l’Avant-Seine” comme type-même d’une telle aberration et d’une allée des Cygnes quasi-catatonique forme un tableau clinique indicatif et fonctionne comme signe d’une phase sociale de schizophrénisation. Cependant cette complémentarité s’étant réalisée à partir d’une dualité et au détriment d’une dialectique, elle ne saurait réduire cette division, si ce n’est à l’essentiel. Au gel spatialisant matérialisé dans le béton répond certes une induration catatonique, mais ce qui semble fossilisation de la fausse-île pourrait se révéler hibernation intensive: la jetée sur le fleuve est certes figée mais, peut-être parcequ’elle ne baigne jamais deux fois dans la même eau, c’est en un signe de fuite pointant vers les pôles comme les aiguilles d’une boussole. Ainsi se dessine une ligne active de la schizophrénie comme processus. De l’allée se détache un dernier signe, de vie cette fois, le schizo qui part en promenade (cf “la promenade du schizo”: la formule est de Deleuze-Guattari) Luc Meichler, 1976
__________________________________________________ versions française et anglaise __________________________________________________
ARCHIVE SYNOPSIS ET PRESS 1976 ANGLAIS
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Cinéma 1976 n° 216: Festival de Belfort ____________________________________ Les Cahiers du Cinéma n° 278 en 1977
________________________________________ "ROUGE"Article de Nicole Brenez sur http://www.rouge.com.au/7/propos_de_nice.html et ENSEMBLE AVANT L'INCARCERATION _____________
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Réalisation, montage, production: Gisèle et Luc Meichler. Assistés de Frank Mathieu Chef opérateur: Renan Pollès Yves François Marcheur: Alain Dietrich Musique de Richard Pinhas (Heldon) Extraits des textes suivants: Levi-Strauss, La Pensée Sauvage. Eisenstein, Piranèse ou la fluidité des formes. Internationale Situationniste. Gabel, La fausse conscience. Ehrenzweig, L’ordre caché de l’art. Deleuze-Guattari, L’anti-Oedipe. Artaud, Lettre à Léon Daudet. Blanchot, La folie par excellence.
Copie unique déposée à la Cinémathèque française en 1980 puis retirée plus tard pour pouvoir la projeter et finalement déposée à Light Cone. Le négatif est conservé aux Archives de la Cinémathèque française
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